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Vu dans la presse : Les Echos / Jean-François Loiseau “Les parlementaires connaissent peu la réalité de nos 20 000 entreprises.”

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Les entreprises agroalimentaires affichent un bilan hétérogène face à l’inflation

Les prix de l’alimentation tendent à la baisse, mais sans relancer la consommation.
Les entreprises agroalimentaires ont diversement traversé la crise provoquée par le Covid, puis la guerre en Ukraine.


Un article Les Echos signé Marie-Josée Cougard

L’inflation est retombée à moins de 2 %. L’emballement des prix alimentaires (23 % au plus fort) s’est arrêté, et les distributeurs parlent même de déflation légère. Et pourtant, les Français gardent le pied sur le frein lorsqu’ils font les courses.
Les volumes d’achat continuent de baisser.

Un sujet d’inquiétude pour les entreprises agroalimentaires, dont les trésoreries ont été mises à mal par les hausses de coût de production et qui cherchent à retrouver de la compétitivité.

“Les hausses très excessives des prix de l’énergie, de 1 à 4, ont été extrêmement préjudiciables. Eles ont plombé les entreprises », déplore Jean-François Loiseau, élu à la présidence de l’Association nationale des industries agroalimentaires (Ania) le 20 juin dernier. “Nous sommes sortis de ces excès, mais nous aimerions plus de stabilité et de visibilité à l’avenir.”

Des chocs multiples

Bien qu’ayant subi les mêmes effets de la crise liée au Covid puis à la guerre en Ukraine, il est difficile de dresser un bilan de santé commun à l’industrie agroalimentaire française. Les entreprises du secteur sont en effet loin d’être toutes logées à la même enseigne du fait de leur très grande hétérogénéité de profil.

La France en compte 20.000, de la très petite unité qui emploie moins de 10 salariés à quelques très grandes sociétés internationalisées qui ne représentent que 2 % d’entre elles.
Au total, « une petite entreprise n’a ni les marges de manœuvre ni l’agilité d’un grand groupe en cas de crise pour se recentrer sur une partie de ses produits ou pour privilégier certains marches -, fait remarquer Vincent Chatellier, économiste de l’Inrae (Institut national de recherche sur l’agriculture, l’alimentation et l’environnement).

Nécessaires arbitrages des consommateurs 

De la même façon, un groupe très spécialisé subira plus fortement les conséquences de l’effondrement d’un débouché, « comme on l’a vu dans le cognac pour Rémy Cointreau avec la Chine », poursuit le chercheur. Une ETI spécialisée aura plus de difficultés à encaisser l’extrême volatilité des prix du cacao, ou les difficultés d’approvisionnement en jus d’orange à la suite des vagues de sécheresse au Brésil.

Dans le cas de l’industrie laitière, note le Crédit Agricole, « les niveaux de rentabilité varient considérablement, avec des difficultés à les maintenir pour certains, tandis que d’autres ont tiré profit de leur développement à l’international ou des cours haussiers des ingrédients laitiers ». Cela étant, « les marges industrielles sont impactées par le prix plus élevé du lait en France que
dans les pays voisins et les problématiques de compétitivité entre la France et les autres européens sont bien visibles ». A cela s’ajoutent la haussedes coûts salariaux et des difficultés de recrutement.

S’agissant des industriels de la viande, le Crédit Agricole note « des évolutions très variables », entre les spécialistes du porc et ceux de la viande bovine. L’établissement bancaire pointe «deux années difficiles préjudiciables à la filière porcine, en particulier au maillon charcutier-salaisonnier, qui a enregistré un record de défaillances en 2023. Les prix de l’amont ont connu des sommets, la crise de consommation a amené les consommateurs à arbitrer leurs achats en volume et en valeur et la pression a été très forte sur les prix. »



Fermetures d’abattoirs

« Les prix des bovins ont connu des sommets sur l’année 2023 », impactant fortement le chiffre d’affaires de certaines entreprises. Pourtant, faute d’un nombre suffisant d’animaux à abattre, les entreprises de transformation, ainsi devenues surcapacitaires, rencontrent des difficultés. Certains abattoirs ne travaillent plus que trois jours par semaine… D’autres, quatre. Près d’un abattoir sur cinq en France est « en situation difficile », selon le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire.

D’ici deux à trois ans, près de 30 % (40 sur un total de 230) pourraient avoir fermé, disait-on, il y a quelques mois, rue de Varenne.
« La demande a été forte en volaille et œufs et le restera à l’avenir », selon le Crédit Agricole. Ce sont des protéines animales peu chères, jugées saines, sans interdits religieux, faciles à cuisiner, neutres en texture et en goût. Les prix de vente ont été favorablement impactés par ce succès en rayon, avec des conséquences potentiellement haussières sur les marges dégagées par les industriels.

La France compte 20 000 entreprises agroalimentaires, de la très petite unité, qui emploie moins de 10 salariés, à quelques multinationales, qui ne représentent que 2% d’entre elles.

Les parlementaires connaissent peu la réalité de nos 20 000 entreprises.” Jean-François Loiseau, président de l’Ania

Jean-François Loiseau, président de la coopérative céréalière Axéréal, a succédé en juin à Jean-Philippe André, ex-directeur du confiseur allemand Haribo, à la tête de l’Association nationale des industries alimentaires. Il explique aux « Echos » pourquoi il a entrepris de réorganiser l’Ania et comment, parmi ses priorités, il souhaite faire découvrir la réalité de l’industrie agroalimentaire aux parlementaires.

Jean-François Loiseau, président de la coopérative céréalière Axéréal, a été nommé à la présidence de l’Ania en juin dernier à un moment de crise ouverte pour cette association.
Critiquée pour son manque d’efficacité opérationnelle, l’Ania risque de perdre certains de ses plus gros contributeurs, dont l’industrie laitière et les Brasseurs de France. Jean-François Loiseau a commencé un travail de réorganisation de la structure qu’il présentera en interne le 19 septembre. Son objectif est de restaurer la confiance et de lancer « un grand tour de France » des parlementaires.
Il juge nécessaire de leur faire mieux appréhender la réalité et les besoins des entreprises agroalimentaires afin d’éviter des décisions malheureuses, qui les entraveraient un peu plus. La Chine menace de surtaxer les exportations européennes de cognac, de viande porcine et de produits laitiers en rétorsion aux taxes sur leurs voitures électriques. Si Donald Trump est réélu président des Etats-Unis , le risque est réel qu’il réactive la surtaxation des vins européens. Dans ce contexte international aggravé par la guerre en Ukraine, l’idée avancée par certains de « bloquer les prix » suscite les pires craintes…

Vous avez été nommé président de l’Ania en juin. Pourquoi avoir brigué ce poste bénévole, alors que vous présidez Axéréal, une des plus grosses coopératives céréalières en Europe ? Certains y ont vu l’irruption du monde agricole dans une sphère traditionnellement dédiée à l’industrie…
Je vois cette responsabilité comme un challenge à relever en équipe et je veux le gagner. Tout mon passé professionnel me rattache à l’entreprise. Je ne viens pas du monde syndical mais du monde économique. Mon parcours chez Axéréal est celui d’un bâtisseur et d’un fédérateur, comme dans l’interprofession céréalière (Intercéréales) ou dans la meunerie française. J’ai une fine connaissance du monde de l’entreprise pour en diriger une depuis plus de vingt ans.
Mon profil est donc un véritable atout pour l’Ania, même s’il est vrai qu’il a pu en étonner plus d’un. Aujourd’hui, plus que jamais, les destins de l’amont agricole et de l’industrie sont liés et nous avons collectivement besoin de retrouver en urgence de la compétitivité pour toute la filière alimentaire. Il n’y a pas d’industrie agroalimentaire forte sans une agriculture forte, et il n’y a pas non plus d’agriculture française forte sans industrie agroalimentaire forte.

Comment se porte l’industrie agroalimentaire française ?
Il y a en France un peu plus de 400.000 agriculteurs et, de l’autre côté, 4 très grandes enseignes de la distribution. Au milieu, il y a un tissu économique, qui occupe tout le territoire, de 20.000 entreprises agroalimentaires et de 500.000 salariés. Des petites, des moyennes à côté de quelques multinationales. Il y en a dans tous les départements.
Et pourtant, on en parle finalement très peu, si ce n’est au travers des négociations des prix alimentaires et pour en faire une variable d’ajustement. Alors qu’il faudrait se préoccuper d’innovation, de compétitivité, de santé, d’éducation à la nutrition, d’international, de décarbonation . Je veux mettre tous ces sujets sur la table en même temps. On ne peut pas se contenter de réclamer des prix bas sans regarder ce que sont les entreprises. L’Ania doit être capable de faire des propositions en la matière… Je veux remettre les entreprises agroalimentaires au centre du village, en expliquer les contraintes, les opportunités, les possibilités de développement. Cela n’exclut pas de travailler sur les questions d’actualité.

Quelle est l’urgence ?
On a besoin de stabilité et de visibilité. Si demain on nous explique que la priorité, c’est le blocage des prix, nous serons vent debout. Ainsi que toutes les filières d’ailleurs. Le Medef en fera une priorité. Bloquer les prix dans l’alimentaire, ça commence où ? Ca se termine où ? ça s’applique à qui ? C’est de l’économie administrée.
Cela revient à mettre un goulot d’étranglement sur les entreprises. D’un côté, Egalim, de l’autre le blocage des prix. La petite entreprise de 15 salariés qui se trouve en Bourgogne ou en Bretagne n’y survivra pas. Les entreprises doivent gagner en productivité industrielle et commerciale. On n’a pas besoin de l’argent de l’Etat. Mais on a besoin de moins de pression fiscale.
La France est le pays où les charges sociales sont les plus élevées en Europe. Si nous voulons continuer à créer de la valeur et de l’emploi et à attirer les jeunes, il faut que l’industrie ait de meilleures cartes en main. L’énergie a littéralement plombé les trésoreries avec des hausses excessives de l’électricité de 1 à 6. Aujourd’hui on revient vers moins d’excès, mais on attend un minimum de visibilité de l’Etat dans ce domaine à l’avenir. L’Etat demande la décarbonation. Ce sont des dizaines de milliards d’euros d’investissement. Il faut former, recruter, aller chercher des talents. Cela ne se fait pas en un claquement de doigts.

Comment éclairer les entreprises agroalimentaires d’un jour différent ?
On attend de l’écoute des parlementaires, qu’ils viennent nous voir, qu’ils apprennent à nous connaître plutôt que de nous mettre sous la pression d’un décret. Je souhaite organiser un tour de France pour aller à leur rencontre et mettre en lumière la réalité de l’industrie agroalimentaire. Cela pourrait éviter que des députés votent une loi qui va juste détruire des entreprises, faute d’en avoir cerné la réalité. Il y a près de 300 nouveaux élus. Certains connaissent déjà l’agroalimentaire. D’autres pas. Il faut ouvrir les portes et montrer ce que l’on fait.
Les parlementaires doivent comprendre que les entreprises ont besoin d’être performantes, même si la qualité et la sécurité des produits alimentaires sont des priorités. Plutôt que de taxer les entreprises et de multiplier les contraintes, il faut leur accorder des respirations afin d’encourager l’innovation, d’embaucher, d’aller chercher des jeunes.

La banque de France a estimé à plus de 63.000 les faillites d’entreprises sur douze mois en France. L’industrie agroalimentaire, traditionnellement plus résiliente est-elle menacée ?
Sur les 63.000 défaillances recensées par la Banque de France, il y en avait 4.200 dans l’industrie. Et il y en aura d’autres, malgré un énorme effet JO cet été sur des secteurs comme celui des boissons et des glaces… Les ventes d’eau en région parisienne ont grimpé de 50 à 60 %. Le Coca-Cola de 29 %. Certaines marques de boissons énergisantes de plus de 50 %.
L’impact est fort mais ponctuel. A côté de cela, on a un vrai sujet de déconsommation. Les volumes de ventes alimentaires ont baissé de 4 à 5 % l’année dernière. Depuis le début 2024, la tendance se confirme. La viande, notamment rouge est concernée. Certains foyers n’en achètent plus après le 15 ou le 20 du mois. Les risques de défaillance existent, surtout dans le secteur de la viande. Demain, si la Chine applique ces sanctions sur les exportations de produits laitiers comme elle menace de le faire, il y aura de la casse.

Arnaud Rousseau, le président de la FNSEA, a proposé un nouveau mode de négociation des prix, qui prévoit que les entreprises tombent d’accord avec les producteurs avant d’aller discuter avec la distribution. Est-ce la bonne solution ?
Cette option est risquée pour les entreprises. L’idée fondatrice de la loi d’orientation de construire le prix final à partir du prix agricole ne fonctionne pas dans toutes les filières et si ce système devient obligatoire, cela va poser un vrai problème. Se mettre d’accord un 1er décembre pour des mois sur un prix quand l’entreprise est directement exposée à la volatilité des prix des matières premières, comme le cacao, le café ou les céréales, c’est extrêmement dangereux.
Il y a des secteurs très organisés, comme le lait ou les céréales où on peut définir des indicateurs de prix. Dans un secteur comme la viande bovine, c’est impossible. Et lorsque les entreprises exportent, il devient très compliqué de s’entendre avec les agriculteurs qui veulent un prix qui tienne compte du marché français, quand les industriels, eux, demandent à tenir compte de l’impact de l’international sur leur activité.

L’Ania va avoir un gros problème budgétaire avec le départ annoncé de l’industrie laitière et des brasseurs. N’allez-vous pas devoir restructurer ?
En tant qu’administrateur depuis cinq ans, j’ai bien vu que l’Ania a grand besoin d’être réformée. Dans sa gouvernance comme dans son organisation interne. Mais il y a bien mieux à faire que de restructurer. Ce n’est pas du tout le bon moment pour que l’Ania s’affaiblisse. Les fédérations agroalimentaires en sont parfaitement conscientes, et de nombreux syndicats souhaitent rejoindre l’Ania. Il faut, au contraire, lui donner beaucoup plus de visibilité et renforcer son travail d’ambassadeur auprès des politiques sur des questions bien plus larges que les négociations avec la distribution et tout à fait fondamentales comme le rôle des PME dans la nutrition, l’innovation, la durabilité, l’international.
L’Ania ne peut pas être le fait d’un seul homme. Je serai là en appui du noyau dur de vice-présidents que j’ai créé avec des patrons de PME et de groupes internationaux. J’ai hâte que la Fédération nationale des industries laitières (FNIL) et les Brasseurs de France, qui ont annoncé leur départ en fassent partie et qu’elles aient chacune un vice-président. La confiance reviendra avec la sécurisation financière.

Comment regardez-vous l’arrivée de Michel Barnier à Matignon ?
Michel Barnier est rompu aux sujets agroalimentaires et européens. Sa nomination à Matignon est un excellent signal. Les enjeux alimentaires, économiques et environnementaux sont stratégiques pour notre pays. L’Ania entend être un partenaire actif et engagé afin de travailler avec le futur gouvernement à renforcer notre industrie.