“Suite à la fraude caractérisée d’une entreprise néerlandaise, des œufs commercialisés dans toute l’Europe ont été contaminés au fipronil, produit antiparasitaire interdit dans le traitement des animaux destinés à la consommation humaine. Je tenais à revenir sur cette affaire et à apporter quelques points d’éclairage sur l’action de l’ANIA.
Il est important de revenir sur les faits et les actes pour rétablir la vérité face aux invectives. J’ai notamment pris connaissance durant l’été des propos tenus par Michel-Edouard Leclerc sur son blog à l’encontre directe de l’ANIA. Je tiens tout d’abord à saluer les initiatives des enseignes de la grande distribution visant à informer leurs consommateurs sur les produits commercialisés dans leurs magasins, dont l’action de Michel-Edouard Leclerc sur son blog. De manière sectorielle, l’ANIA a communiqué sur son action de coordination et de mobilisation. Je regrette cependant la tonalité vindicative de Michel-Edouard Leclerc et ses propos erronés concernant l’ANIA et son action.
Il ne me semble toutefois pas opportun d’utiliser une telle situation sensible et l’inquiétude des consommateurs pour polémiquer. Les défis auxquels nous sommes confrontés dépassent manifestement les attaques péremptoires et personnelles. Nous devons, tous ensemble, nous assurer d’agir de manière proportionnée et concertée, aux côtés des pouvoirs publics, au service des consommateurs.
Pour bien comprendre cette fraude qui interpelle l’ensemble des acteurs de la filière alimentaire européenne et qui peut inquiéter les consommateurs, il reste nécessaire de revenir objectivement sur les faits et les actes.
Ainsi, au cours du mois de juillet 2017, des enquêtes menées en Belgique et aux Pays-Bas ont révélé la présence frauduleuse de fipronil dans des œufs issus de fermes conventionnelles et bio présentes sur leur territoire. Le 20 juillet, la Belgique prévient la Commission Européenne et déclenche ainsi le système d’alerte, suivi par les Pays-Bas le 26 et l’Allemagne le 31. Le 1er août, les Pays-Bas annoncent que 180 élevages de volailles du pays ont été bloqués et que du fipronil a été détecté dans des centaines de milliers d’œufs vendus à la consommation en Europe.
Face à cette fraude européenne, le ministère de l’agriculture et de l’alimentation français lance une enquête nationale pour identifier le parcours et la destination des lots d’œufs potentiellement contaminés en provenance de Belgique et des Pays-Bas. Cinq premières entreprises françaises d’ovoproduits auraient alors reçu ces lots (16 entreprises à date).
Dès l’alerte donnée par les autorités publiques françaises le 05 août, l’ANIA et ses fédérations adhérentes ont alerté à leur tour l’ensemble des entreprises potentiellement concernées afin qu’elles puissent mettre en place de manière urgente les vérifications nécessaires de leurs approvisionnements et collaborer efficacement avec les pouvoirs publics.
Dans ce cadre, les entreprises agroalimentaires françaises ont pris leurs responsabilités en vérifiant auprès de leurs fournisseurs d’œufs et d’ovoproduits la traçabilité des lots et en bloquant par précaution et sans délai, les produits susceptibles d’être contaminés. Cette mobilisation du secteur agroalimentaire a été annoncée par l’ANIA le 08 août par voie de presse (voir CP du 08 août).
Le 10 août, l’arrestation des deux dirigeants de la société néerlandaise Chickfriend ayant fourni à ses clients éleveurs de volailles un produit antiparasitaire contenant du fipronil confirme la fraude.
Le lendemain en France, le 11 août, l’Anses rend un avis sur l’évaluation du risque lié à l’ingestion d’œufs contaminés par le fipronil. L’agence française conclut que le risque pour la santé humaine est très faible et rappelle les limites maximales de résidus. (voir avis de l’ANSES).
Le 17 août, le ministère de l’agriculture et de l’alimentation publie une première liste de 17 produits transformés contenant des œufs contaminés au fipronil à un taux supérieur à la limite autorisée. Ces produits, des gaufres sous marque de distributeurs fabriquées aux Pays-Bas sont immédiatement retirés des rayons de la grande distribution. Les enseignes concernées informent leurs clients.
De son côté, l’ANIA et les industriels intensifient les analyses et les contrôles et renforcent significativement les conditions de leurs approvisionnements. Chaque référence identifiée serait alors transmise immédiatement aux pouvoirs publics pour ajout dans la liste. Un point de suivi a été publié par l’ANIA (voir CP du 18 août).
A la date du 24 août, 15 produits transformés supplémentaires sont ajoutés à la liste et retirés immédiatement des rayons. Il s’agit de quelques références isolées de produits d’épicerie sucrée (comme des brownies et des muffins) et salée (pâtes) fabriquées en Belgique ou aux Pays-Bas.
A date, nos entreprises agroalimentaires n’ont identifié aucun produit devant être soumis à des mesures de retrait. Les analyses se poursuivent et les fabricants continueront à suivre les procédures prévues par les pouvoirs publics en cas de lots potentiellement contaminés.
Ainsi, tout au long du mois d’août, l’ANIA, ses fédérations adhérentes et les professionnels concernés se sont mobilisés aux côtés des pouvoirs publics et des représentants de la filière, dont la grande distribution, afin d’agir de façon efficace et concertée.
Notre priorité collective a été d’assurer concrètement la sécurité immédiate des consommateurs et de déployer toutes les mesures de précaution nécessaires afin de la garantir. Loin de toute considération d’image et de communication, nous avons volontairement privilégié la concertation et l’action à la précipitation et à la polémique.
J’ai confiance dans le système de sécurité des aliments français, reconnu comme l’un des plus performants au monde. A cet égard, le travail du ministre de l’agriculture et de l’alimentation et des services de l’Etat est à saluer.
Suite à cette affaire, nous devons absolument, et tous ensemble, dresser un bilan et tirer des enseignements visant à améliorer encore la capacité des acteurs français à réagir collectivement de manière pragmatique et efficace face à ce type de fraudes venant de l’étranger. Des leçons sont également à tirer sur la coopération européenne dans le cas d’alertes alimentaires.
A l’heure où les Etats Généraux de l’Alimentation entrent dans leur phase opérationnelle, j’invite tous les acteurs à se rassembler au service de notre alimentation, de ceux qui la produisent, de ceux qui la commercialisent et de ceux qui la consomment. Cette fraude montre une nouvelle fois la nécessité de recréer de la confiance entre nous, acteurs de l’alimentation, et les consommateurs. L’unité, la concertation, l’action collective, le respect du travail de chacun constituent les fondements d’un nouveau pacte de confiance visant à redonner de la valeur à notre alimentation.”
Jean-Philippe Girard, Président de l’Association Nationale des Industries Alimentaires (ANIA)