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[Tribune libre] Mon interview avec Elise Lucet de Cash Investigation
Auteur
Je m’appelle Catherine Chapalain et je suis la directrice générale de l’Association Nationale des Industries Alimentaires. L’ANIA représente et accompagne les entreprises du secteur agroalimentaire de France, soit plus de 16 000 entreprises dont 98% de TPE-PME. Je suis passionnée par mon métier et par les entreprises de ce secteur vivant et en progrès chaque jour. J’espère que ma contribution pourra apporter un éclairage utile au débat.
Dans le cadre de son enquête sur l’agroalimentaire, notamment sur l’étiquetage nutritionnel des aliments, l’équipe de Cash Investigation a sollicité l’ANIA pour un entretien. Nous connaissions les méthodes parfois rugueuses de l’émission et son goût pour le sensationnalisme. Nous y avons répondu favorablement car il nous paraît nécessaire que chaque acteur concerné puisse s’exprimer sur ce sujet important pour les consommateurs.
L’entretien a duré 1h15. Nous avons accueilli le 07 avril 2016 l’équipe de Cash Investigation dans les locaux de l’ANIA qui se situent boulevard Malesherbes à Paris. L’équipe, composée de 7 personnes, est arrivée à 14h15. Il y avait deux journalistes, deux cadreurs, un preneur de son, une assistante et une maquilleuse… un vrai plateau de cinéma ! L’installation a nécessité plus de temps que prévu et le début de l’entretien a été légèrement retardé. De son côté, Elise Lucet est arrivée une heure plus tard, une quinzaine de minutes avant l’interview. Ensuite, les deux journalistes se sont installés dans une autre pièce avec leurs ordinateurs et un micro connecté à l’oreillette de Mme Lucet. Je pensais que notre entretien serait plus simple en logistique…
Pour une amélioration de l’étiquetage nutritionnel des produits alimentaires
A l’ANIA, nous sommes convaincus que l’information nutritionnelle des produits doit évoluer, doit progresser, doit se simplifier. Nous faisons le constat que l’information actuelle, notamment réglementaire (ex. tableau des valeurs nutritionnelles), n’est plus suffisante pour bien informer le consommateur. Les études auprès des consommateurs et la consultation citoyenne que nous avons menées nous le confirment. Il est donc utile de mettre en place une information complémentaire simplifiée sous forme de logos.
C’est pourquoi, nous nous sommes engagés aux côtés du ministère de la santé, des pouvoirs publics, des associations de consommateurs, des scientifiques, des enseignes de la grande distribution dans la mise en place d’une concertation puis d’une expérimentation de différents logos. L’enjeu est de permettre aux consommateurs eux-mêmes, en conditions réelles d’achat, d’évaluer le logo qui leur semblera le plus adapté. Quatre nouveaux systèmes d’information leur seront alors proposés : le Nutri-Score, le SENS, le Nutri-Repère et le Nutri-Couleurs.
Lors de l’entretien, pour une raison que j’ignore, l’équipe de Cash Investigation ne voulait pas évoquer ces quatre propositions. Tout semblait orienté pour un débat unique « pour ou contre le système de M. Hercberg » (5C ou nutri-score). A de très nombreuses reprises, j’ai tenté d’expliquer que le consommateur aura le choix entre quatre logos lors de l’expérimentation menée par le ministère de la santé, incluant la proposition 5C. Malheureusement, les échanges n’ont porté que sur ce dernier, niant l’existence des trois autres.
Je le dis clairement, la proposition de M. Hercberg n’a pas ma préférence. Chacun est libre d’avoir son opinion, ce sera aux consommateurs de choisir. Je considère pour ma part qu’il n’est pas approprié de réduire la qualité d’un ingrédient à une couleur sans prendre en compte la portion consommée ou sans mentionner la fréquence. Ce n’est pas la même chose de manger de temps en temps quelques carreaux de chocolats ou une tablette chaque jour ! Au niveau de l’ANIA, nous avons exprimé publiquement notre position sur ce système et nous défendons l’idée que toutes les propositions enrichissent le débat et doivent pouvoir faire l’objet d’une vraie évaluation auprès des consommateurs en situation réelle d’achat.
Mais qui est l’ANIA ? Une association professionnelle qui rassemble les entreprises du secteur agroalimentaire de France.
Lors de notre entretien, nous avons également échangé sur l’ANIA que j’ai le plaisir de diriger et d’animer avec mon équipe composée d’une vingtaine de personnes. Madame Lucet souhaitait se concentrer uniquement sur quelques grandes entreprises qui participent au conseil d’administration de notre association. La liste des membres est publique et comprend des dirigeants d’entreprises de toutes tailles, de tous métiers et de toutes régions. Le secteur agroalimentaire est diversifié. Nous sommes très fiers de pouvoir accompagner et représenter un collectif composé de grandes entreprises, d’entreprises de taille intermédiaire et de PME. C’est ça la réalité de l’agroalimentaire en France ! Il nous semble réducteur pour quelque raison que ce soit de vouloir limiter notre périmètre d’action à quelques-uns.
Madame Lucet m’a également étonnée en m’indiquant que le monde de l’alimentation était divisé en deux. D’un côté les bons produits du terroir et de l’autre les mauvais produits de l’industrie. Quelle méconnaissance du secteur agroalimentaire et de la fabrication des aliments en France. Oui, le saucisson, les rillettes, les caramels au beurre salé, les fromages tout comme les pizzas ou les céréales sont aussi fabriqués par nos entreprises. Oui, nous sommes fiers de nos grands groupes français et internationaux comme de nos PME. Et oui, nous sommes fiers de pouvoir porter leur voix dans le débat public et démocratique.
Que fait l’ANIA ? La question de la représentation et du lobbying
La mission de l’ANIA est de représenter et d’accompagner l’ensemble des entreprises agroalimentaires de France. Dans ce cadre, elle participe au débat public. Il est important que tout le monde puisse apporter sa contribution et son avis.
Concernant l’étiquetage nutritionnel, il est inutile de chercher des secrets où il n’y en a pas. Notre position était connue : nous sommes en faveur de l’amélioration de l’information nutritionnelle des consommateurs ; nous soutenons la proposition de la ministre de compléter l’information actuelle par un nouveau logo simplifié ; le système des 5 couleurs n’a pas notre préférence ; il est nécessaire de recueillir l’avis des consommateurs.
Dès le début des débats législatifs, l’ANIA a fait part de son avis lors d’auditions parlementaires auxquelles elle était conviée. Dans les règles de la déontologie de l’Assemblée nationale et du Sénat, l’ANIA a transmis sa position à l’ensemble des groupes parlementaires, ainsi qu’au rapporteur du texte et à la présidente de la commission des affaires sociales. Notre position, nos convictions et nos arguments étaient donc ouvertement connus.
L’ANIA a également porté sa position à l’attention des médias par voie de communiqués de presse ou en acceptant systématiquement toutes les sollicitations comme nous l’avons fait pour Cash Investigation. Cette position est d’ailleurs toujours disponible sur notre site web.
De même, les suggestions d’amélioration du texte des lois, que j’ai détaillées lors de l’entretien, sont le fidèle reflet de nos convictions. Nous avons ainsi soutenu les cinq idées suivantes :
- Le rattachement de l’article au code de la consommation pour une simplification de la loi. (Cf. Titre 4 du code de la consommation sur l’information du consommateur).
- La prise en compte de l’avis du Conseil National de l’Alimentation, instance publique sous triple tutelle (Santé, Agriculture et Consommation) dont la vocation est de donner des avis liés à l’alimentation et l’information du consommateur
- La mise en place d’une expérimentation en conditions réelles des systèmes envisagés afin d’inclure le consommateur dans la décision
- la promotion des actions de proximité ciblées sur les populations les plus vulnérables
- La valorisation du modèle alimentaire français
Oui, les entreprises agroalimentaires de France sont attachées au modèle alimentaire français et aux notions d’équilibre du régime alimentaire et de diversité des produits. Elles ont aussi conscience de la progression de l’obésité en France. Un problème de société multifactoriel qu’il faut combattre et qui nécessite de la coordination et des actions partenariales entre tous les acteurs publics, privés et associatifs. La France est souvent considérée parmi les bons élèves mais cela ne doit pas nous empêcher de poursuivre toutes les initiatives engagées, notamment avec une attention pour les populations les plus défavorisées dans le cadre du Programme National Nutrition Santé que nous soutenons et auquel nous participons.
Il m’a semblé important d’apporter cet éclairage sur nos convictions et nos actions. Je suivrai avec attention le reportage de mardi soir. Nous maintiendrons une démarche de dialogue avec l’ensemble de nos publics. Nous avions d’ailleurs accepté l’invitation de l’équipe de Cash Investigation à participer au débat plateau diffusé juste après le reportage. Malheureusement, pour des raisons techniques, il semble que l’émission n’ait pas pu m’accueillir.
Nous aurons à cœur de poursuivre le débat avec celles et ceux qui le souhaiteraient. Nous vous donnons déjà rendez-vous sur Twitter le 14 septembre à 10h00 pour répondre à vos éventuelles questions sur l’étiquetage nutritionnel avec le hashtag #askania.
Je vous remercie pour l’attention que vous avez portée à mon propos.
Catherine Chapalain